EST-IL POSSIBLE D’APPRENDRE DE NOUVEAUX TOURS À UN VIEUX CHIEN ?
On entend encore trop souvent « qu’on ne peut pas apprendre de nouveaux tours à un vieux chien ». Clairement, cette affirmation laisse entendre que l’apprentissage c’est pour les jeunes, et rien que pour les jeunes. Difficile de faire cohabiter inconscient collectif et les changements économiques et sociaux, évolution démographique. On n’apprend plus exclusivement durant sa vie scolaire ou universitaire, mais celle-ci est censée nous préparer pour une formation au long cours. Une nouvelle demande de formation tout au long de la vie est née.
C’est le concept même « d’apprentissage tout au long de la vie » qui est intéressant, car il implique « la plasticité », c’est-à-dire la capacité à adapter et à réorganiser ses acquis afin de répondre aux exigences tout au long de la vie. Celle-ci mobilise tout à la fois notre système neurologique, notre processus cognitif, et notre environnement social d’apprentissage. Comment ne pas ici le formadable potentiel du Digital-Learning.
QU’EST-CE QU’UN APPRENANT ADULTE ?
Personne ne nous contestera qu’il existe de très nombreuses définitions concernant l’apprenant adulte. Toutefois, il est important, car plus cohérent et plus productif, lorsque l’on parle de formation continue, d’éviter de s’en tenir à des définitions exclusivement basées sur l’âge. Il convient de se concentrer plutôt sur les aspects qualitatifs de l’apprentissage. Pour sa part, la Commission Européenne a clairement caractérisé les apprenants adultes : « des individus qui entreprennent des activités d’apprentissage formelles ou informelles après une pause à l’issue de leur formation initiale, pour acquérir de nouvelles connaissances et de nouvelles compétences ».
L’APPRENTISSAGE ADULTE
En quoi l’apprentissage chez l’adulte diffère-t-il de manière significative des autres périodes de développement au cours de la vie comme l’enfance ou l’adolescence ?
Vaste sujet, auquel nombre de chercheurs se sont penchés sur le sujet. Mais concrètement, la manière de voir ces changements dépend de notre façon d’aborder le fonctionnement de l’apprentissage proprement dit. Dès lors, il n’y a pas une mais au moins quatre perspectives différentes :
• Une approche par les neurosciences : qu’est-ce qui se passe dans le cerveau ?
• Une approche cognitive : qu’est-ce qui se passe dans l’esprit ?
• Une approche métacognitive : comment l’esprit contrôle-t-il se qui se passe dans l’esprit ?
• Une approche sociale : qu’est-ce qui se passe dans le monde ?
Chacune de ces perspectives, trouve dans le e-learning des solutions et des outils concrets extrêmement pertinents.
L’APPROCHE PAR LES NEUROSCIENCES
Notre cerveau contient pas moins de 100 milliards de neurones. Chacun d’eux possède quelques 10 000 connexions. Sous l’angle des neurosciences, tout apprentissage apporte d’importants changements aux connexions entre les neurones. La recherche actuelle suggère même que le cerveau évolue jusqu’à une maturité autour de 25 ans. Un âge à partir duquel il commence à perdre sa plasticité (cf. ci-dessus). Toutefois, si’ l’on admet communément que le « taux d’apprentissage » décroit avec l’âge, tant que le cerveau est entraîné, il est tout à fait possible d’apprendre tout au long de la vie. Si l’on regarde du côté des perspectives évolutionnistes, celles-ci affirment que le cerveau humain a évolué pour ne rien faire mieux qu’apprendre. Ainsi à chaque période de la vie, l’individu doit faire face à de nouveaux défis, entreprendre de nouveaux rôles, c’est alors que de nouvelles capacités apparaissent, en d’autres termes, il apprend.
L’APPROCHE COGNITIVE
Il faut jeter un regard sur le grand « tournant cognitif » des années 70. Les sciences de l’apprentissage ont alors vu celui-ci non seulement comme un changement du comportement observable, mais elles ont également tenté de développer et de tester de nouvelles théories portant sur « le comment » de l’apprentissage, ou plus précisément comment celui-ci se déroule dans notre esprit. L’analogie à l’ordinateur est toute naturelle. La mémoire fonctionne comme un site se stockage dans lequel nous conservons des « bits » d’information accessibles et où au sein duquel nous exécutons des opérations cognitives, c’est-à-dire que nous réfléchissons, nous manipulons et transformons des informations.
L’ensemble des processus cognitifs qui soutiennent l’apprentissage sont donc bien sujets à des changements avec l’âge. Ils se caractérisent par une baisse de la capacité de mémorisation, de la vitesse de traitement de l’information ou de la concentration, alors que sur un autre plan, l’âge adulte est caractérisé par une accumulation significative d’expériences.
L’APPROCHE METACOGNITIVE
Les capacités métacognitives font des apprenants adultes, des apprenants efficaces et performants en raison de leurs apprentissages antérieurs et de leur expérience accumulée tout au long de la vie. L’adulte apprenant peut ainsi contrôler ses progrès d’apprentissage, choisir les stratégies apprenantes et identifier ses succès. Les capacités qui lui permettent d’auto réguler son propre apprentissage, sont en soi une compétence, une habileté même, qu’il est même possible de favoriser, voire de renforcer.
L’APPROCHE SOCIALE
Nos sociétés sont aujourd’hui cataloguées, en fonction des âges, les compétences qui sont souhaitées et les opportunités pour s’en saisir. Les relations interpersonnelles, les rôles sociaux, les modèles de communication et les ressources impactent de manière significative la façon dont les adultes apprennent. C’est en cela que l’apprentissage ne se déroule pas seulement dans l’esprit, et qu’il est également une activité sociale. Les individus, par exemple, ne consacrent pas spécifiquement du temps à l’apprentissage, ils créent également leur propre réseau et leur propre environnement d’apprentissage.
Malcom KNOWLES dans les années 70, a inventé un terme : « andragogy » pour caractériser le cadre théorique de la pédagogie propre à l’adulte. Celle-ci peut être résumée en six principes fondamentaux.
• La Pertinence : l’adulte a besoin de savoir pourquoi il doit savoir quelque chose.
• L’Expérience : L’adulte dispose d’un bagage personnel et attend que l’on respecte celui-ci.
• La Direction : L’adulte exprime une nette préférence sur ce qu’il veut apprendre et la manière dont il veut l’apprendre
• Le Timing : L’adulte apprenant n’envisage pas l’apprentissage pour l’avenir mais dans une perspective d’application immédiate.
• L’Orientation : L’adulte apprenant cherche une solution à un problème plutôt que de se focaliser sur l’intérêt même de l’apprentissage.
• La Motivation : L’adulte apprenant est fondamentalement motivé dès lors qu’on lui propose une formation qu’il admet comme pertinente et efficiente pour lui.
La souplesse, la modularité, la liberté de gestion du temps et des contenus, la facilité de procéder par « essai-erreur », l’auto contrôle sur son processus d’apprentissage, l’individualisation des parcours et des cursus, la prise en compte de l’expérience acquise, sont autant d’atouts du e-learning. Ils peuvent constituer à eux seuls une source de motivation supplémentaire pour l’adulte apprenant. Sans oublier que les outils de e-learning favorisent également le partage de l’information, la création de communautés de pratiques. Le socio-collaboratif est au centre du processus apprenant. En conclusion, à la question, « peut-on apprendre de nouveaux tours à un vieux chien », la réponse est sans aucun doute, oui. Mais à une seule condition, s’il le veut bien !
L.R. Camacho – In Octavo Conseil – Octobre 2015